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Attention : le Decodex peut rendre dingues ceux qu’il note

Saturday 4 March 2017 à 14:21

Nos petites bafouilles sur le Decodex et l’hystérie ne pouvaient se conclure sans une plongée dans les articles publiés par ceux qui s’estiment injustement jugés par l’outil du Monde. Une conclusion s’impose : le Décodex rend dingue.

Alors qu’ils récusent l’idée même du Decodex, ceux qui y sont mal notés contestent leur classement dans le l’outil. Si l’on n’attribue aucune valeur à l’outil lui-même, pourquoi en accorder à son classement ? Mystère. En tout cas, Olivier Berruyer et Jacques Sapir consacrent un nombre d’articles étonnant à contester leur classement dans le Decodex.

Pour ce qui nous concerne, nous avons émis nos opinions sur le Decodex en tant que tel. Si nous y étions un jour classé, nous ne consacrerions pas une ligne à tenter de défendre notre rédaction en cas de mauvais classement. Simplement parce que cela nous serait totalement indifférent, contrairement à ce que croit Samuel Laurent. Etre ou ne pas être dans le Decodex… Aucun intérêt.

Au delà de la logorrhée souvent fastidieuse de Jacques Sapir et de Olivier Berruyer sur leur classement par le Decodex, il y a les attaques ad hominem qui laissent pantois. Jacques Sapir va même plus loin puisqu’il menace Samuel Laurent de mort ou de lui casser un bouteille sur la tête. Bref, il joue son Jean-Paul Ney.

 

A l’hystérie qui secoue le monde politique, à celle qui secoue le microcosme après la mise en ligne du Decodex, on peut ajouter celle d’un chercheur à l’EHESS. Comment un chercheur peut il se laisser aller à ce type de haine et d’invectives, de sous-entendus façon Front National ? Mystère.

L’esprit d’une époque sans doute.

Samuel Laurent et son Décodex : une hystérisation idéologique du journalisme ?

Friday 3 March 2017 à 18:29

Ce n’est pas en 140 caractères qu’il est possible de faire acte d’analyse et d’échanges constructifs sur un sujet tel que celui de la qualité et du contrôle de l’information. Il est par contre possible de se faire accuser de choses très désagréables en 140 caractères. Comme : faire le jeu de l’extrême droite, ou faire la « publicité d’un site » dans une brève satirique comparative, ou bien encore, de « réfléchir de la même manière que les adeptes de la théorie des reptiliens ».

Samuel Laurent, lui, fait ce genre de chose à l’encontre de la rédaction de Reflets, sans aucune retenue. En nous taxant au passage « de geeks libertaires de l’info ». Bon, il doit être complexé niveau technologie du doigt, on imagine… Tout ça parce que des brèves à moitié bidons pour montrer le ridicule de son bébé indexation Décodex l’agacent. Oui, Reflets s’amuse avec le ranking en couleur et les commentaires raccourcis sentencieux du Décodex à propos des sites à qui il inflige sa couleur orange, et d’autres, qui ne font pas d’information — comme les magazines TV — mais qui sont référencés comme « fiables ».  Surréaliste.

Mais le fond de cette affaire, même si nous l’avons déjà traité dans cet article, va plus loin en réalité qu’une simple pantalonnade de jeunes « fact checkers » en mal de projets « innovants » à proposer à leur direction (ça c’est pour les geeks libertaires du net…). Voyons pourquoi.

Qu’est-ce qu’un site d’information ?

La toute première question que l’on se pose en testant le Décodex est de l’ordre de la première année de journalisme : qu’est-ce qu’un site d’information ? Qu’est-ce que l’information ? Donner les programmes des chaînes de télévision et faire des publi-reportages est-il équivalent à traiter l’actualité chaude ou faire de l’investigation ? Analyser des événements politiques est-il comparable à faire des interviews de complaisance pour des intellectuels qui viennent vendre leur dernier ouvrage ? Un blog  sans journalistes est-il assimilable à un site avec journalistes ?

Le questionnement de l’information diffusée sur le net est important, mais le problème de fond qui survient très vite est le suivant, si on cherche à juger de la qualité des sites de publication : comment puis-je dire que tel site ne donne pas des « bonnes informations » et que cet autre en donne assurément ?

Un site qui n’aurait jamais donné aucune « mauvaise » information durant des années, peut-il être pointé comme « peu fiable » parce qu’il sortirait une fois une « mauvaise information » ? Le cas récent des 4 grand journaux quotidiens qui se sont jetés sur l’information du CRS ayant sauvé une petite fille des flammes est révélateur (toujours dans cet article) : ces sites, comme de nombreux autres, réputés « sérieux » et constitués de rédactions de journalistes, ont relayé une fausse information. Pour autant, est-il possible de les marquer au fer rouge pour cette erreur ? Dans le cas d’espèce, Décodex ne le fait pas. Ses raisons sont-elle idéologiques, voire économiques et politiques ? Taper sur un concurrent qui pèse dans l’économie de la presse ne serait peut-être pas très bienvenu. Et puis les différents patrons de ces médias se connaissent. De plus, ces médias relayent l’information standard qu’on attend d’eux, et se recopient la plupart du temps en se basant sur l’AFP.

Comparer des bananes avec des dictionnaires

Vouloir noter des sites internet aussi divers que TéléZ, Madame Figaro, Libération, Les Crises, Egalité & Réconciliation, Reopen911, ou l’Humanité est à peu près aussi pertinent que vouloir faire une étude comparative des qualité et vertus entre des bananes et des dictionnaires de la langue française. L’explication est assez simple : d’un côté certains sites ne font même pas d’information en tant que telle (TéléZ), d’autres sont des sites politiques militants qui ne respectent aucune règle du journalisme (Egalité & Réconciliation, par exemple), d’autres sont des publications politiquement engagées mais sont des médias d’information (L’humanité, Libération), et d’autres sont des sites qui pratiquent l’information mais sans être déclarés ni comme média ni comme site militant politique (Les crises).

Reopen911, quant à elle, est une association qui publie ses enquêtes sur son site, à propos du 11 septembre. Ses adhérents militent pour l’ouverture d’une nouvelle enquête indépendante sur l’écroulement des tours du World Trade Center, puisqu’ils n’acceptent pas la version officielle. Le Monde Diplomatique a publié un reportage à leur propos, lors d’une assemblée générale de l’association en 2015. Quel intérêt pour Décodex à stipuler « site conspirationniste » à leur propos, alors qu’ils exercent leur droit, en association, à contester des conclusions gouvernementales ? Le Monde Diplomatique fait-il la promotion d’un site conspirationniste en publiant ce reportage ?

D’un point de vue journalistique, il n’y a de toute manière aucun rapport entre ces différents procédés de publications, ces différentes approches, bien que des ressemblances puissent exister. Vouloir les comparer est absurde : les sites militants par exemple peuvent bien raconter « n’importe quoi », puisque leur objectif est logiquement de convaincre du bien-fondé de leur vision du monde, en utilisant tous les moyens possibles, même le mensonge ou les approximations. Les publications qui ne font pas d’information comme les magazines TV peuvent bien passer des pubs sur une « pierre aux propriétés merveilleuses de guérison assurée », ou faire réagir un acteur à un événement politique majeur, quelle importance ? Ces sites ne font pas d’information. De la même manière, les sites des candidats à la présidentielle militent. Dénoncent. Attaquent. Défendent. Racontent n’importe quoi. Comme le fait que leurs affaires judiciaires sont un complot… Ces gens ne cherchent pas à décrire une réalité, à analyser le monde qui  nous entoure, à faire réfléchir, décrire des phénomènes, ils cherchent à convaincre. C’est une autre démarche.

Mais parfois certains site militants et politiques analysent aussi. Il peuvent même effectuer un véritable travail d’investigation, et publient parfois du factuel. Aïe. Tout se complique.

La pluralité, l’idéologie et l’hystérie

La liberté de la presse est fondamentale dans une démocratie comme la nôtre. Tout comme la liberté d’opinion. D’expression. D’ailleurs, si ces trois libertés n’étaient pas là, le Front national serait interdit depuis belle lurette. La grande difficulté, pour une démocratie, est donc qu’en préservant ces trois libertés, elle permet à des groupes, des individus, des mouvements, des partis, de s’en prendre à elle, de la déstabiliser, ou simplement… de la critiquer. Vouloir assimiler des sites conspirationnistes qui développent des théories délirantes sur des reptiliens (des ET qui remplacent des chefs d’Etat), ou l’empoisonnement de la population par des produits chimiques largués par les avions de ligne — avec des sites qui contredisent les versions politiques officielles — est un procédé très pervers et très anti-démocratique. Vouloir assimiler des gens qui analysent des situations politiques et des événements concrets, avec des fous délirants qui croient que la « terre est plate », relève de la police de la pensée, d’une méthode digne des pires régimes autoritaires.

L’exemple du site Les-crises.fr (on met le lien, même pas peur) est éclairant. Reflets n’a aucune accointance ou même un semblant d’intérêt pour ce site, et personne dans la rédaction ne le lit. Que le responsable du site Les Crises soit une personne liée à des idéologies politiques particulières est très probable, mais comme nous le stipulions dans le premier article sur Décodex, aucun journaliste n’est dégagé d’une idéologie. Pour le peu qu’on peut voir du site Les Crises, c’est une publication qui développe ses analyses avec des intellectuels connus — intellectuel qui publient des ouvrages, sont écoutés dans des médias officiels. Jacques Sapir et Emmanuel Todd en sont, et défendent le site Les Crises. Bien entendu, dans l’hystérisation idéologique en cours, le nom de Jacques Sapir fait hurler au loup et amène à des amalgames et des raccourcis. (Lire : Sapir et le Front national, l’extrême injonction). Quant à Todd, il explique son soutien au site Les Crises, et parle de son « ami Olivier Berruyer » avec lequel il fait des interviews. Ces deux intellectuels (Sapir et Todd) ne sont pas connus pour être conspirationnistes [à moins qu’un nouveau label n’ai été décerné par l’élite des labels en conspirationnisme ?]. Ils ont choisi de s’exprimer sur ce site. Qu’avons-nous à en dire ? Rien. Enfin, pour ma part, rien du tout.

Soutien d’Emmanuel Todd à Olivier Berruyer et… par les-crises

Il est tout à fait possible de ne pas être d’accord avec la « tendance » des Crises, ni des idées de coalition avec le FN portées par Sapir, voire de dire que Sapir, Berruyer et Todd défendent des « idées » (mais lesquelles au juste ?) qui ne nous plaisent pas, tout comme on peut penser la même chose de Valeurs actuelles, ou de l’Humanité. Fonction de la tendance idéologique qui nous soutient. Mais la liberté  d’opinion est là : Les Crises publient leurs analyses, avec des gens qui ont des opinions, et qui sont des chercheurs, universitaires sérieux, comme Todd ou Sapir.

Que se passe-t-il alors, avec Décodex, quand Samuel Laurent déclare la publication Les Crises « conspirationniste » à cause « d’analyses sur l’Ukraine » qu’il estime, lui, délirantes ? Il fait acte d’un jugement idéologique, et débute une hystérisation du journalisme, en tentant d’abattre la pluralité des opinions et la liberté d’expression. Parce qu’un journal comme Le Monde, qui décide d’éclairer les internautes sur la bonne et la mauvaise information, pointant certains sites comme conspirationnistes de « type reptiliens », et qui assimile donc une publication — avec des chercheurs qui écrivent en son sein — à ce critère « conspirationniste » (proche des croyants des reptiliens, donc, si l’on regarde les tweets de Laurent), ce n’est pas rien. Qu’on soit « pour » ou « contre » Les Crises (quel est le sens de ce pour ou contre au passage ?). Qu’on adhère ou pas aux thèses de Sapir et Todd, à leurs ralliements, par exemple, ou non. Pour ma part, de nombreuses analyses d’Emmanuel Todd m’intéressent. C’est grave docteur ?

Que la théorie des Crises sur l’Ukraine soit baroque ou non, orientée ou pas, son droit à l’expression doit être respecté. Les Crises n’est pas Egalité & Réconciliation. Mais si Décodex pense que Les Crises « ne font pas de la bonne information », travaillent par exemple pour des mouvements idéologiques et politiques précis, sont antisémites, bossent pour Poutine, ou qu’ils désinforment le public, qu’ils le disent. Avec par exemple ce texte : « Nous, au Monde, nous pensons que Les Crises n’est pas fréquentable, qu’ils désinforment le public, sont des propagandistes pro-Russie et pro Poutine,  et que ceux qui le tiennent sont d’extrême droite, et que l’extrême droite, c’est le mal absolu, que c’est toujours faux, et que c’est conspirationniste« .

Une pointe d’anticipation et une idée

Si aujourd’hui l’idéologie dominante et « correcte » que défend Décodex — et son journal — est marquée centre-droit-et social-libéralisme (pour faire simple), on ne sait pas quelle sera la future idéologie dans les années à venir. Il n’y a qu’à voir ce qu’il se passe au Etats-Unis. Imaginons que l’extrême droite remporte la présidentielle française, qu’elle se maintienne 10 ans au pouvoir, et que son idéologie devienne l’idéologie dominante. Les idées de « centre droit et de gauche sociale libérale » deviendront des idées « dangereuses », par force. Le Décodex donnera donc des bons points aux sites relevant de l’idéologie dominante d’extrême droite, et pointera tous les sites « d’analyse marquée centre droit et à gauche » comme conspirationnistes ou idéologiquement dangereux ? Parce que ces sites auront analysé des événements différemment de la version officielle et de l’idéologie dominante ?

Le meilleur moyen de lutter contre des idées — surtout quand on les estime néfastes — n’est pas d’ostraciser les idées en question ou ceux qui les défendent en les jugeant  soi-même de façon idéologique et binaire. Pour lutter contre des idées, il faut soi-même avoir des idées et les confronter. On démonte des idées avec des idées, pas avec des notes en couleur dignes d’un cahier d’écolier, et surtout d’une phrase ou deux de sentence à l’emporte-pièce dans un moteur d’indexation [de sites en vrac] sur son propre journal en ligne [qui n’est pas lui-même indépendant]. Cette approche est puérile, paresseuse, binaire, anti-démocratique et dangereuse. Le danger est simple à comprendre : en se refusant à développer soi-même des idées mais en s’érigeant en juge de celles des autres, on renforce ceux qui les défendent, et surtout… on ne participe qu’à une seule chose : créer du clivage. Un clivage mécanique… et sans issue.

Pour finir : défendre des idées — de façon construite — demande de s’appuyer sur une connaissance large du monde. Allons-nous céder à la tentation de réduire le monde à des codes couleur et des jugements idéologiques ? Ce serait quand même dommage.

[Idées lancées à ceux qui pensent quand même que Décodex pourrait avoir un intérêt : il faudrait en premier lieu discriminer les différents types de publication, pour que le public sache à quoi il a affaire : blog personnel, blog collectif, site militant politique, journal avec actionnaires (lesquels), journal indépendant sans aucun actionnaire, financé par la publicité ou non, site délirant, site soutenant une thèse alternative à une thèse officielle (qui n’est pas obligatoirement un site « conspirationniste »), site associatif, site spécialisé en pédonazime orienté tekel mort, etc…

Les comparaisons peuvent alors se faire, mais entre sites de la même catégorie. Le but ne devient plus de juger des sites entre eux, mais de faire connaître aux lecteurs potentiels vers quoi « ils vont ». Ce qui reviendrait à stipuler pour Le Monde :

« Site d’information générale, quotidien, financé par l’Etat , à hauteur de 6 millions d’euros et par le fonds Google à hauteur d’un montant inconnu, dont les actionnaires principaux à 64% sont la Société Le Monde Libre, une entreprise appartenant au  PDG de Free, Xavier Niels (opérateur national Internet et téléphonie mobile) ainsi que de Matthieu Pigasse (Wikipedia) : « Responsable monde des fusions-acquisitions et du conseil aux gouvernements de la banque Lazard, dont il est directeur général délégué en France ainsi que propriétaire et président des Nouvelles Editions Indépendantes (qui contrôle le magazine Les Inrockuptibles et Radio Nova), et actionnaire du Groupe Le Monde et du Huffington Post » et de Pierre Bergé, homme d’affaires impliqué en politique depuis plus de 30 ans. »

Bien entendu, il faudrait ensuite stipuler tous les problèmes déontologiques connus dans le journal le Monde, comme les révélations importantes qu’il aurait effectuées, ainsi que les qualités du journal. Les collaborateurs extérieurs, leurs engagements, etc… Un vrai travail journalistique de fond. Pour éclairer le lecteur sur ce qu’il a en main. Sans jugement. Ce travail, à effectuer pour toutes les publications traitées par Decodex serait intéressant. En prenant le maximum de recul possible, en tentant de décrire les choses telles qu’elles sont. Pas comme on les perçoit.

Petit tweet à propos de l’un des trois patrons de Samuel Laurent, Pierre Bergé, pour illustrer le journalisme actuel et l’indépendance des médias :

 

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Difficile l’indépendance ? Non. Mais qui peut prétendre l’être aujourd’hui ? Ceux qui ne dépendent de personne. Ne militent pour personne. N’ont de compte à rendre à personne. Reflets en fait partie. Avec un coût. Financier surtout.

Mais bientôt, le ranking de l’info arrive avec Facebook et Google : gageons que les géants de Californie sauront éclairer les lecteurs français vers la vraie et bonne information, comme Le Monde. En toute indépendance, bien entendu…]

 

Quand tu n’aimes pas un article de Reflets, n’oublie pas de jeter le bébé avec l’eau du bain

Friday 3 March 2017 à 17:21

L’hystérisation de la vie politique n’est pas une tendance isolée. ces derniers jours, Reflets a vu revenir les trolls de l’UPR après un article sur l’Europe. Nous somme vite redevenu la cible des fans du parti en question comme nous l’avions été lorsque nous avions parlé des sectes politiques. Les lecteurs semblent sur-réagir à tout article qui leur déplaît, quand bien même ils sont d’accord avec un autre qui va dans le sens de leur analyse du monde. Mais si par malheur un article leur déplaît, ils s’enflamment et n’hésitent pas à jeter le bébé avec l’eau du bain. Reflets devient vite un site proche de l’extrême-droite, conspirationniste, reptilien [ajouter ici ce qui vous plaît le plus]. Mal nous en a pris de critiquer l’initiative Decodex du Monde. Ce matin, nous avons eu droit à une charge très énervée de Samuel Laurent. Paradoxe, des trolls de l’UPR qui nous vouaient aux gémonies hier, prennent notre défense dans cette polémique, aujourd’hui. On se serait bien passés de leur appui.

Mais revenons à l’affaire Decodex.

Ce matin, Reflets publie dans sa fameuse rubrique « On s’en fout », qui marque tout l’intérêt que nous portons aux sujets des articles que nous y classons, une brève pour railler le fait que le Decodex classe en vert (bien sous tous rapports) un journal de programmes télé et en orange un site d’analyses (parfois mauvaises ou contestables) géopolitiques et économiques. L’idée que voulait faire passer cette brève est qu’il est probablement aussi idiot de vouloir classer la fiabilité d’un journal de programmes télévisés (doit-on vraiment attribuer une note de fiabilité à des horaires de programmes télévisés ?) que celle d’un blog d’analyses géopolitiques dont on imagine aisément que certaines iront à l’encontre des théories mainstream.

Bref, voici que Samuel Laurent nous interpelle sur Twitter :

Le point de départ de ce que nous aurions volontiers accueilli si cela avait été une discussion, est trompeur. Pour un roi du fact-checking, cela peut intriguer. Reflets n’a pas fait dans la brève évoquée, de panégyrique du site d’Olivier Berruyer, ou de ce dernier.

Cela nous amène au fact-checking et au Decodex. Présenté par certains comme le truc qui va révolutionner le journalisme, le fact-checking est surtout la base du journalisme. Vérifier ses informations, se les faire confirmer par plusieurs sources… Tout cela est normalement une démarche de base de tout journaliste qui fait autre chose que de donner les horaires des programmes télé ou choisir les maquillages waterproof pour la double « Etre belle à la plage cet été« . Et encore…

Ceci dit, le fact-cheking consiste principalement à vérifier l’exactitude de chiffres et autres informations, pas à sortir de nouvelles informations, une autre composante du journalisme.

Le fact-checking rejoint dans les tendances à la mode, le « journalisme augmenté » ou « data-journalisme » qui un temps devait remplacer les autres journalistes (les vieux).

Le fact-checking est cependant très utile, surtout à une époque où les politiques (entre autres) racontent à peu près n’importe quoi sans être jamais contredits. Et j’avais moi-même salué il y a longtemps le travail salutaire et très utile des Décodeurs.

Prenons un exemple. Lors d’une interview télévisée ou radio, un homme politique ou un patron d’entreprise mis le dos au mur par une question d’un journaliste va immédiatement lancer un chiffre ou un sujet de polémique qui fait diversion. Etant en direct, le journaliste ne peut pas rebondir car il n’a pas le temps d’aller vérifier la véracité des assertions. Les journalistes papier ont le temps de le faire.

La labellisation pose la question de la légitimité

En revanche, la rédaction de Reflets est perplexe face à l’initiative Decodex. Classer les sites et la presse pour savoir s’il s’agit de sources sûres ou pas, c’est dangereux. Qui classe, selon quels critères, de quel droit, les lecteurs sont-ils trop bêtes pour le faire eux-mêmes, et si demain le FN lance un « DecodexFN », ou si Les Republicains lancent un « DecodexRepublicain », que fait-on ? Par ailleurs, quelles sont les chances qu’un Decodex arrive à convaincre un adepte des théories complotistes que les sites qu’il consulte sont biaisés et promoteurs de fake news ? Nulles, probablement. Nous ne sommes pas les seuls à nous poser des questions sur cette initiative. Arrêt sur Images l’a fait.

Sans pour autant, à notre connaissance, se faire traiter de « geek libertaire de l’info« , ce qui dans l’esprit de Samuel Laurent semble être péjoratif.

Samuel Laurent prend comme défense le Guide du routard, estimant que classer des sites d’information est équivalent à classer des hôtels. Nous pensons que son choix est journalistiquement discutable.


La carte de presse ne protège pas contre l’amalgame

En faisant cette brève dans la rubrique « On s’en fout », Reflets devient, aux yeux de Samuel Laurent, un journal qui fait la promotion d’un site farfelu. Soit… Il est donc désormais impossible de citer les sites conspirationnistes dans le cadre d’un article sans y être associé, sans être définitivement labellisé comme une rédaction de « mauvaise foi » faisant la promo desdits sites… Le fait que nous soyons journalistes comme Samuel Laurent, (je veux bien comparer mon numéro de carte de presse avec ceux des décodeurs – les numéros sont attribués dans l’ordre d’arrivée dans la profession), que nous disposions d’un numéro de Commission paritaire (IPG), ne nous protège pas contre les amalgames. Le fait que nous soyons critiques (c’est rien de le dire) à l’égard de la droite et de l’extrême-droite (mais aussi de la gauche), ne nous protège pas contre une assimilation à des sites plutôt à droite. Le fait que nous ayons passé six ans à publier des révélations sur les systèmes de surveillance étatique repris jusque dans des journaux internationaux, le tout gratuitement, sans publicité, sans investisseurs, ne nous protège pas contre les amalgames et ne relève probablement que de la geekerie libertaire de l’info. Sans intérêt, jetons le bébé avec l’eau du bain, le savon et la serviette en prime.

Le Canard Enchaîné, lorsqu’il publie un article d’un membre de la rédaction de Reflets devrait vérifier si l’idée n’est pas de promouvoir les théories reptiliennes. Le Monde lui-même, lorsqu’il publie les mails envoyés au Front National après le 21 avril, que lui a fournis son pigiste fondateur de Reflets, devrait se méfier, il s’agit sans doute de promouvoir Marine Le Pen et ses idées.

Nous aurions bien aimé discuter de l’utilité et de la légitimité d’un outil comme le Décodex avec Samuel Laurent plutôt que de se faire traiter de toutes sortes de choses. Mais ce sera sans doute pour une autre fois.

 

Courage, fuyons, il faut sauver notre gagne pain, pas le soldat Fillon

Thursday 2 March 2017 à 22:02

Alerte ! Ils sont entrain de lâcher François Fillon. Oui, les membres du parti Les Républicains se carapatent les uns après les autres. A tel point que pour savoir qui fuyait le navire, Libération a même dû créer un compteur. Que se passe-t-il ? Une soudaine prise de conscience à droite ? Oui, François Fillon serait moralement indéfendable ?

Les choses ne sont sans doute pas si simples. Premier point, ce n’est probablement pas une vague désordonnée de départs. C’est plutôt le signal que les grands patrons du parti ont décidé de poignarder le « forcené de la Sarthe » (©Libération). Allez, assez joué, il faut sauver les meubles. Il y a une élection, présidentielle qui plus est, les sondages sont catastrophiques, le mot a sans doute été passé aux seconds couteaux présents dans l’équipe de campagne : c’est bon, vous pouvez partir et même, justifier votre départ.

Deuxième point, il ne s’agit plus de sauver le soldat Fillon, mais de tout faire pour ne pas perdre cette élection. Pourquoi ? Tout simplement parce que lorsque l’on est politique professionnel, que l’on ne sait pas faire autre chose, ou tout simplement que l’on a goûté au bon gâteau, on veut des postes. Et pour avoir des postes, il faut être élu.

 

Cette fuite massive des membres de l’équipe de Fillon aujourd’hui marque sans doute le début de la fin pour le candidat.

Quand le gendarme persiste et signe

Thursday 2 March 2017 à 19:36

Début février, nous avions essayé d’expliquer en quoi les termes « Deep Web » et « Dark Net », chosifications que l’on croise malheureusement très fréquemment, n’ont guère de sens sur un plan technique. Ce papier avait d’ailleurs inspiré, le lendemain, une fort intéressante réflexion de Xavier de la Porte dans sa chronique sur France Culture : « Banlieue, Deep Web et Dark Net, même combat ».

Le prétexte — il en faut toujours un — qui nous avait poussé à publier cette bafouille était la sortie du dernier numéro de la revue de la Gendarmerie Nationale. La Twittosphère crypto-numérique, toujours partante pour une franche rigolade, y avait en effet découvert, amusée, une mention du légendaire « Marianas Web » (qui n’existe pas) « accessible uniquement à l’aide de l’informatique quantique » (qui, à l’heure où nous parlons, est largement théorique) et autres bêtises du même acabit.

Contactée sur Twitter, la Gendarmerie nous signala que la remarque avait été prise en compte. La revue fût ensuite retirée pour être amendée. L’affaire semblait réglée et ce soir-là, nous nous couchâmes avec le cœur serein de celui qui a accompli son devoir, fier de savoir que, grâce à la promptitude de son action, le monde serait un peu plus beau le lendemain.

Las, dans la version « corrigée » et remise en ligne par la Gendarmerie, signalée par le vigilant Jean-Marc Manach (merci), les marginales modifications effectuées sur le passage incriminé ne changent rien au fond : c’est tout aussi faux avant qu’après. Le Marianas Web, et son petit frère le Bergie Web, tout aussi farfelu, sont toujours là.

 

La version 1.0
La version 2.0

 

Si l’on peut à la limite comprendre que cette prose ait pu passer la première fois les filtres des impressionnants comités de rédaction et de lecture de la revue, que ces inanités aient réussi à les franchir derechef (oui, chef !), et après qu’elles ont été signalées, ça fait désordre.