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Démocratie fissurée : chroniques d’un mauvais élève de la République (1)

Saturday 16 July 2016 à 10:06

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Le projet n’a rien d’ambitieux, mais il m’amuse : raconter, sur une période de 30 ans, la disparition progressive de tous les idéaux politiques français (et autres…) doublé de l’écroulement de la démocratie.

Cet exercice, ô combien subjectif, passe par le filtre des rencontres, expériences, voire « aventures » d’un informaticien, musicien  et écrivain devenu journaliste, qui n’a jamais voté, mais a toujours cru bon de chercher à comprendre la société qui l’entoure, voire la changer : moi. La stupidité n’est pas l’apanage des puissants, et les erreurs sont humaines.

Je fais partie de ceux qui se comptent comme responsables de « l’état du monde », puisque ayant participé, par force, à mon niveau, à son changement. Ayant en plus jeté dans l’arène du monde deux individus issus pour moitié de mes gènes, et désormais adultes, je ne me vois pas leur dire que je n’ai « aucune responsabilité dans tout ça ». Après tout, j’ai participé à la construction d’un modèle de société… ou oublié de le faire…?

30 ans « d’activité humaine autonome » (hors du foyer parental), c’est une bonne période pour faire le bilan. Pas le mien directement, mais celui de la société dans laquelle je vis. Cette république vacillante, la démocratie française, fissurée… et au bord de s’écrouler. Comment en sommes-nous arrivés là ?

La mort de Coluche, de Desproges : quelque chose change radicalement

C’est étrange, mais la mort de Michel Colluci a été pour moi le début de la fin de quelque chose d’important. Comme celle de Pierre Desproges, deux ans plus tard. Ces deux clown français — totalement différents dans leur approche — ont aidé des millions de personnes à résister à la morgue des politiciens. Le rire, dans une société, est très important, il rapproche les gens, les aide à relativiser. Quand ce rire est fait d’une satire des comportements politiques, des travers humains, de  la société, c’est une sorte de catharsis collective qui soude un peuple contre la bêtise des puissants et de ceux qui les confortent. Coluche était une bête politique au sens le plus noble du terme, et il permettait à des foules hilares de déchiffrer l’absurdité de la société faussement « démocratique ou « libre » dans laquelle ils étaient plongés. Desproges renvoyait les contradictions permanentes qui agitaient à peu près tout le monde.

En 86, Chirac est nommé Premier ministre de François Mitterand, il est ridicule et inquiétant à la fois, Tchernobyl explose,  le scandale du Rainbow Warrior enflamme les unes des journaux, et le plus grand comique agitateur disparait. Je ne dis pas que c’est la mort de Coluche, puis celle de Desproges qui ont fait changer radicalement les choses, mais ne plus les avoir à partir de ce moment, comme « fous du roi » et représentants de l’irrévérence populaire, change quelque chose. Une sensation : tout le monde va se prendre beaucoup plus au sérieux, et prendre beaucoup plus au sérieux ceux qui ont besoin d’être pris au sérieux : les dirigeants politiques.

En 1986, et jusqu’à la mort de Kurt Cobain en 1994 — cette mort de Kurt Cobain est un bon marqueur… de la fin de « la politique par la musique » — la sphère culturelle, artistique, va continuer à tenter de résister à l’envahissement progressif de l’espace sociétal par le management. Ces quelques 8 années sont une sorte de chant funèbre des dernière bribes de la démocratie occidentale issue des 30 glorieuses — celle où la « population » et ceux qui les accompagnaient étaient encore en position de force et de proposition face aux puissances dominantes politico-économiques. La finance nationale internationalisée

Le CAC 40 n’existait pas en 1986, mais son apparition en 1988 (en réalité il est crée le 31 décembre 1987 et s’officialise le 15 juin 1988) n’est pas pour rien dans le basculement de société qui s’opère ensuite. La Cotation en Action Continue remplace la Bourse à la criée, anciennement nommée… Compagnie des Agents de Change, elle s’informatise donc, par force, et disparaît physiquement.

L’histoire de cet indice boursier qui permet d’embarquer la France dans la grande compétition mondiale et d’ouvrir les vannes des flux financiers, avec la possibilité de créer les entreprises géantes aux centaines de filiales installées dans des paradis fiscaux, est intéressante à suivre dans sa progression. Ce tableau montre bien (source : wikipedia) comment une oligarchie de taille internationale s’est créée grâce à la financiarisation de l’économie française (sous une présidence politique socialiste, puis renforcée par un gouvernement socialiste) :

CAC 40 GR : calculé dividendes bruts réinvestis
CAC 40 NR : calculé dividendes nets réinvestis

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Le cinéma, la littérature, la musique et la démocratie sont étroitement liés

Pourquoi parler des artistes et de la culture en général pour décrire les changement politico-économiques de la société française ? Parce que le lien entre les aspirations de la population, sa capacité à résister ou au contraire se laisser manipuler par des « élites » est totalement lié à cet aspect des choses. La culture au sens large, populaire, est normalement un ciment commun, et ceux qui la génèrent ont longtemps été les porte-paroles des aspirations, dénonciations, mises en cause, réflexions d’un « plus grand nombre ». Il en a été ainsi en tout cas, à mon sens, plusieurs décennies d’affilée.
Cinéma engagé, contestataire, musique rebelle, théâtre social, romans « dérangeants » : des générations entières se sont levées pour contester l’ordre établi grâce à des œuvres artistiques. Jusqu’à que le marketing recouvre tout, et n’industrialise l’art, le transformant en pur produit industriel sans âme ni inspiration. L’endormissement général, la docilité que le consumérisme généralisé a apporté, sont liés à cette main-mise de la culture par les marchands. Elle débutera de façon très marquée au détour des années 90, et avec l’avènement de l’Internet galerie-marchande, au milieu des années 2000, écrasera totalement toute autre approche.

Que s’est-il passé d’autre de marquant à partir de 1986, pour que nous en soyons arrivés à cet état de délabrement de la société ?

Beaucoup de choses.
Que nous devrions bien observer, pour mieux les déconstruire afin de les reconstruire autrement ?
Fort probable…

A suivre : « Démocratie fissurée : chroniques d’un mauvais élève de la République (2) »

Déchets nucléaires : investir, coloniser, enfouir

Thursday 14 July 2016 à 13:43

affiche_reoccupation_FR Un petit coin de Lorraine devient le théâtre d’une radieuse guerre de tranchées. C’est à Bure, un micro village de la Meuse, que les intérêts de toute l’industrie nucléaire vont se jouer pour des millénaires. C’est là qu’une grande poubelle radioactive est en gestation, dans le sous-sol argileux de ce coin de campagne quasi désertique, où les résidus les plus toxiques de la filière atomique se cherchent une petite place au chaud. Cette guerre de tranchées, qui a pris une autre dimension depuis l’été dernier, est davantage une guerre d’usure, où l’important est moins d’investir les lieux et les espaces que de coloniser les esprits et les consciences.

Tout se joue, en ce moment, autour du bois Lejuc, une forêt de charmes, de chênes et de hêtres de 230 Ha convoitée par l’ANDRA, l’Agence de « gestion » des déchets radioactifs qui passe le plus clair de son temps à faire plutôt de la  « digestion » sémantique pour faire apprivoiser les résistances et rendre sa présence acceptable. Depuis le 19 juin, le rapport de forces s’est inversé. Face au rouleau compresseur atomique, une joyeuse troupe est parvenu à occuper le bois Lejuc, à Mandres-en-Barois (au nord de Bure, cf la carte plus bas), qui était tranquillement en train de se faire dévaster par l’ANDRA pour y construire l’un des lieux d’implantation de sa grande poubelle nucléaire. Le bois a été occupé pendant trois semaines, après avoir fait tomber grilles et barbelés et expulser une petite armée de vigiles. Pour l’ANDRA, présente officiellement dans le coin depuis 1999, ce fut une énorme humiliation. D’où une expulsion manu militari intervenue la semaine dernière, le 7 juillet, où une petite trentaine d’occupants ont été délogés par des dizaines de gendarmes mobiles armés jusqu’aux dents. Le deuxième round débute demain, où les opposants appellent à une « manif de réoccupation » qui s’annonce autant savoureuse qu’explosive.

[Update : pour suivre le déroulé de la journée et des suivantes, c’est ici]

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Les pouvoirs publics, qui travaillent en réalité pour des intérêts bassement industriels, ont pourtant mis le paquet pour que la pilule amère devienne digeste et même addictive. Le projet d’enfouissement des déchets nucléaire date du milieu des années 90. Le site de Bure a été choisi en 1998, par un décret signé du premier ministre de l’Environnement issu du parti des Verts, en l’occurrence Domnique Voynet. L’entourloupe a consisté à installer à Bure un simple « laboratoire » destiné officiellement à étudier la faisabilité de stocker à 500 mètres de profondeur les déchets radioactifs les plus nocifs que l’industrie accumule depuis plus de quarante ans : ils représentent seulement 3% des volumes, mais pas moins de 99% de leur radioactivité totale (mettant des centaines voire des milliers d’années à perdre seulement la moitié de leur radiotoxicité). Le « labo » de Bure est la préfiguration d’une phase industrielle bien plus colossale, baptisée Cigeo – Centre industriel de stockage géologique –, un chantier estimé au bas mot à 25 milliards d’euros (41 milliards pour l’estimation la plus haute). Le pire dans tout ça, c’est que parmi les 85.000 m3 de déchets que ce site est censé enfouir, la moitié n’a pas encore été produit.

IMG_3754smC’est là tout l’enjeu de cette guerre de tranchées : enfouir les déchets sert aussi à enfouir tout espoir de résistance à l’industrie nucléaire en tant que telle. La gestion des déchets, c’est bien connu, c’est le talon d’Achille de la filière. Les mettre sous le tapis sert avant tout à les dissimuler du paysage politique, à entretenir l’idée que le nucléaire est non seulement « propre » par son absence de rejets de gaz à effet de serre (même si l’extraction de l’uranium en recrache des tonnes) mais qu’il est aussi capable de se régénérer. Trouver « la » solution des déchets nucléaires, c’est avant tout, pour les nucléocrates, mettre en avant « la » solution pour assurer sa survie économique, alors que tous les acteurs (Areva et EDF en tête) sont embourbés dans un marasme économique et financier hors du commun. Creuser la poubelle de Bure, c’est donc construire la dernière pierre d’un édifice destiné à sauver l’énergie nucléaire d’un ultime discrédit pathétique.

Qu’un village de 80 habitants soit le lieu du plus grand projet inutile que le monde nous envie est donc plus que révélateur. L’ANDRA y travaille consciencieusement depuis vingt ans. L’Agence a d’ailleurs davantage travaillé sur les gens qu’avec ou contre eux. Son travail de sape consiste à accommoder la région et les habitants de son implacable emprise. Elle a notamment créé un  « Comité d’Orientation et de Suivi du Laboratoire de Recherche Souterrain Meuse / Haute-Marne » (COS), organe technique (géologues, hydrologues, physiciens ou ingénieurs divers et variés), ainsi qu’un « Comité d’expertise et de suivi de la démarche d’information et de consultation » (COESDIC). Trois des quatre experts de ce dernier machin sont des sociologues. Le premier d’entre eux, son actuel président, Michel Callon, ex-membre du CA de l’ANDRA, est professeur à l’École des Mines de Paris (haut lieu de la nucléocratie), et figure émérite de son « Centre de Sociologie de l’Innovation » (sorte de laboratoire de « lavage des cerveaux »). Son truc, c’est l’acceptabilité sociale, discipline expérimentée avec succès pour imposer, notamment, les nanotechnologies.

L’atelier de bricolage grenoblois Pièces et main d’œuvre (PMO), poil à gratter de la nanoindustrie, a depuis longtemps repéré la dextérité de Callon dans ce domaine. Dans un article vieux de dix ans, PMO décrit sa philosophie, tiré d’un bouquin paru en 2001, « Agir dans un monde incertain – essai sur la démocratie technique »:

« Élus, décideurs, vous affrontez des « controverses » nées des catastrophes techno-industrielles ? Comment les gérer ? Grâce aux « procédures de dialogue avec le peuple » taillées sur mesure par ces sociologues jaunes. Mode d’emploi : n’entrez pas dans la confrontation directe, tâchez d’« organiser, maîtriser les débordements sans vouloir pour autant les empêcher ». Montez des « forums hybrides », mêlant scientifiques et « profanes », pour favoriser les compromis. Exemple de résultat ? « Le nucléaire qui en sortira  sera socialement, politiquement et même techniquement complètement différent du nucléaire qui aurait été décidé en dehors des forums hybrides. Parler « du » nucléaire en général n’a aucun sens. Jouer au jeu de ceux qui sont pour et de ceux qui sont contre est encore plus inepte. »

REOCCUPbisLes fameux « débats publics », comme celui qui se termine le 17 juillet autour du mégacomplexe du groupe Auchan Europacity, ont sévi autour du projet Cigeo à deux reprises, en 2005 et 2013. Le dernier ayant été boycotté par les opposants regroupés dans la coordination Bure Stop, échaudés par la mascarade « participative » de la première salve.

Comme le dit Claude Kaiser, l’un des membres historiques de Bure Stop, dans un papier récent de Bastamag, le choix de Bure ne s’est pas fait au hasard. La région ne compte que 6 ou 7 habitants au km2. Il se souvient d’un rendez-vous obtenu par les opposants avec un conseiller du Premier ministre Lionel Jospin, peu après la signature du décret Voynet de 1998 :

« Il nous dit d’emblée, “Mettez nous 10 000 personnes dans la rue et là on pourra peut-être commencer à discuter”. On lui répond “mais comment voulez-vous que l’on mobilise autant dans la Meuse ?” Sa réplique, je ne suis pas prêt de l’oublier : “C’est bien pour ça que la Meuse a été choisie” ! »

Pour investir les esprits, rien de mieux que d’investir tout court (au sens économique et financier). Le site de Bure est ainsi devenu l’épicentre d’un « cluster de compétitivité », un « pôle d’excellence nucléaire » destiné autant à sauver une région économiquement sinistrée que d’imposer Cigeo dans les consciences. Avant cela, l’argent public coulait à flot depuis 1991: l’État décide alors de verser 5 millions de francs (MF) par an aux quatre sites présélectionnés pour l’enfouissement des déchets. Une somme annuelle multipliée par deux en 1995. En 1998, quand Bure est seule en lice, la manne passe à 10 MF par an (1,5 millions d’euros, M€) – mais pour chacun des deux départements, Meuse et Haute-Marne (où Cigeo devrait s’implanter aussi). En 2000, on passe d’emblée à 18 M€ par an et par département. Puis 20 M€ en 2006, et 30 M€ depuis 2009 ! Soit 60 M€ par an pour acheter la paix atomique. Sorte de corruption (radio)active complètement assumée!

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Depuis 2006, ce fric est « géré » par un Groupement d’intérêt public (GIP), dont le budget est alimenté par les acteurs de la filière nucléaire. Claude Kaiser : « J’ai cherché d’autres exemples, il n’y en a pas ! C’est la toute première fois dans l’histoire des institutions françaises que de l’argent est distribué massivement aux collectivités, associations, entreprises et particuliers. Et ce avant même que le projet ne soit officiellement décidé. » « Chaque village arbore de magnifiques lampadaires flambant neufs illuminant des trottoirs également neufs », raconte Bastamag. « Des salles des fêtes au design soigné poussent comme des champignons. Réhabiliter une grange ou rénover un chemin privé ? Le GIP est à votre écoute. »

IMG_3747resizLa liste des implantations industrielles ou scientifiques liées au nucléaire est impressionnante : « Areva et EDF ont installé leurs archives, EDF a construit un centre de maintenance pour pièces de centrales, Areva une plate-forme logistique pour ses transports de colis radioactifs, et des formations liées aux métiers du nucléaire se sont développées dans les lycées ou universités du coin. Sans oublier la touche « écolo » : panneaux solaires et champs d’éoliennes à tout-va. »

Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) – et « aux énergies alternatives » (sic) –  a même installé un fumeux centre de recherche « pilote » pour fabriquer du « biocarburant » (Syndiese pour « diesel de synthèse ») à base de cellulose de bois. Les militants du coin l’ont mauvaise : et si cette usine à gaz était là pour digérer le bois (pardon, la « biomasse ») qui sera rasé suite à la construction des 600 Ha que nécessitera l’implantation de Cigeo? Le combat qui s’engage dans le bois Lejuc, celui qui fut occupé jusqu’au 7 juillet et qui sera l’objet d’une nouvelle tentative de « libération » le week-end prochain, est donc plus que symbolique. L’ANDRA, qui dispose d’un énorme budget communication, a aussi installé une « écothèque » et propose depuis un an, au sein même du labo, une « exposition » baptisée « Découverte en forêt ». Complètement désertée – pour y pénétrer il faut laisser une pièce d’identité, et être accompagné par un gent de sécurité pour passer une barrière cadenassée – elle met en avant le travail de l’Office national des forêts (ONF). « Dans cette « expo », ils recommandent exactement tout le contraire de ce qu’ils ont fait dans le bois Lejuc !« , affirme un militant qui a pu constater les dégâts lors de l’occupation du bois de Mandres : 9 Ha sauvagement défrichés, des chênes centenaires ravagés sans aucun respect des règles d’abattage, en pleine période de nidification des oiseaux, sans que les recommandations de l’ONF n’aient été respectées. « Faites ce que je dis, pas ce que je détruit! »

IMG_3718resizLe mot de la fin d’un agriculteur de la région, Jean-Pierre Simon, preuve que la lutte contre Cigeo n’est pas l’apanage de vulgaires « zadistes » hors-sol qui cherchent un os à ronger pour assouvir leur soif anticapitaliste. C’est son matériel agricole qui a été « saisi » après la contre-attaque des gendarmes qui ont repris le bois Lejuc.

Il parle de « rouleau compresseur » et de « chape de plomb » pour décrire les méthodes de l’Andra. « Il est très difficile de résister à l’annexion des consciences, quel que soit sa taille, son statut, son activité dans le secteur. Sans l’occupation du bois, il était difficile de contester les méthodes utilisées, il faut maintenant les montrer et les combattre avec les moyens juridiques dont on dispose. »

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Plus d’infos sur l’actualité de la lutte sur place : http://vmc.camphttp://burestop.free.frhttps://burezonelibre.noblogs.org

Nous vous scrutons, bien que ce ne soit pas vous la cible

Thursday 14 July 2016 à 10:53

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Comment repérer des criminels dans une foule, sans scruter la foule ? Comment connaître les habitudes des terroristes sans connaître celles des non-terroristes ? Comment établir des profils type, sans les comparer à un ensemble ? Comment créer des alarmes comportementales sans connaître les habitudes du plus grand nombre ? Comment fouiller la vie privée d’un seul individu, sans savoir à quoi correspond le quotidien des autres ?

Toutes ces questions n’en représentent qu’une seule. Celle de la fin et des moyens dans la lutte contre le terrorisme, et plus généralement, contre la criminalité. Plus avant encore : quels moyens mettre en place pour empêcher, répondre à toute tentative d’opposition aux institutions et leurs représentants, contre l’ordre établi. Ou de fraude. De dissidence. De contestation ?

Nous parlons bien entendu de la surveillance — par des biais technologiques — cette nouvelle forme de gouvernance politique qui se répand à une vitesse exponentielle, sans garde-fous ni débats de fond. Comprendre ces technologies — et leur utilisation effective ou supposée — est une nécessité citoyenne, puisque sans connaissance il est impossible de contrecarrer un projet, quel qu’il soit.

Cet article est le premier d’un dossier sur « l’algopolitique », ou comment les algorithmes peuvent remplacer les hommes et les femmes politiques quand ceux-ci n’ont plus aucune vocation autre que celle de renforcer et administrer un système politico-économique en grande déliquescence.

Data mining, IOL et croisements de bases de données sont dans un bateau

Et personne ne tombe à l’eau. Car le bateau est très neuf, avec des rambardes en acier trempé. Pour l’instant.

La récente annonce du succès de l’administration française « pour chasser les fraudeurs » aux prestations sociales grâce au « big data » couplé aux algorithmes de data mining (précisons que sans le data mining via des algorithmes, on voit mal comment des êtres humains pourraient croiser des milliards d’informations issues des big data) est une bonne campagne de communication. Imaginez que plus de 200 millions d’euros de prestations indûment versées à ces scélérats de citoyens indélicats ont été ainsi économisés. Le citoyen affalé sur son canapé devant son poste (en attente de la retransmission d’un match de l’Euro 2016 ou de son épisode de téléréalité) applaudit : la technologie se préoccupe d’économiser ses impôts en fouillant dans la vie administrative de tous. Formidable. Quel progrès…

Le croisement d’informations entre la CAF, la CPAM, l’UNEDIC, etc, permet aux robots logiciels de détecter les anomalies et pointer ainsi de leur doigt digital tous ceux qui ont touché de l’argent des caisses de l’État ou des commissions paritaires alors qu’il n’auraient pas dû.

Extrait du document « Lutte contre la fraude bilan 2014 » de la Délégation nationale de lutte contre la fraude :

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Dans le sens inverse, rien n’est fait, bien entendu. On estime pourtant à… plus de 7 milliards d’euros annuel le montant des prestations sociales qu’une partie de la population pourrait toucher… et ne touche pas (lire « La face cachée de la fraude sociale » — le Monde Diplomatique, juillet 2013). Toute cette technologie de fouille des données par des agents informatiques à été mise en place sans aucune concertation, comme si déléguer des tâches administratives [pouvant créer des drames humains] n’avait aucune importance. Remarquons que la majorité des bénéficiaires de prestations sociales (allocations logement, chômage) est de condition modeste. N’oublions pas non plus que la fraude à la sécurité sociale en France représente 4 milliards d’euros, qu’il faut comparer à celle aux impôts qui s’élève à 25 milliards et celle aux prestations (des entreprises)… à 16 milliards d’euros. Mais avec le discours politique sur la fraude des « petits en grand nombre » , des « sociétés de l’innovation numérique » ne s’y sont pas trompées et proposent leurs services :

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La formidable puissance des algorithmes et du machine learning au service de la chasse à la fraude : difficile de ne pas adhérer au concept…

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Et IOL dans tout ça, me direz-vous ? Les interceptions administratives sur Internet ont été mises en place dans le plus grand secret, et personne n’est en [encore] en mesure de dire comment les sondes implantées dans les DSLAM (les équipements auxquelles sont connectées les paires de cuivre des abonnés au téléphone pour accéder à Internet) « travaillent », ni quand, ni à quelle fréquence, à quelles fins, ni même pour quels services de l’État. Mais pour autant, de nombreux indices peuvent permettre de se faire une idée de l’utilisation effective ou future d’IOL…

Scruter la population en préservant l’anonymat : la panacée selon… les politiques

Les élus feignent semblent ne pas comprendre parfaitement les technologies mises en œuvre aux fins de surveillance ou de détection du « crime ». Les concepts d’algorithme, de data mining, de machine/deep learning peuvent par exemple leur paraître tout à fait pertinents et sans conséquences pour les libertés publiques dans le cas de la reconnaissance faciale par caméras, alors qu’ils jurent — dans le même temps — ne pas vouloir « surveiller tout le monde » sur Internet. L’exemple récent du projet de loi de reconnaissance faciale donne une bonne indication de la duplicité compétence toute relative des responsables politiques dans ce domaine. Nos confrères de NextInpact s’en sont fait l’écho :

(…) Une proposition de loi autorisant les forces de l’ordre à recourir à des logiciels capables de reconnaître – en temps réel – le visage de certaines personnes à partir des images retransmises par des caméras de vidéosurveillance (…)

Des bases de données avec des photos de fichés « S » (les individus considérés dangereux pour la sécurité intérieure), des caméras publiques, des algorithmes qui scrutent, scannent les visages dans la foule et tentent de « matcher » ceux qui défilent sous leurs yeux électroniques avec ceux référencés dans les bases de données (vidéo France TV : http://www.francetvinfo.fr/monde/terrorisme-djihadistes/lutte-contre-le-terrorisme-la-reconnaissance-faciale-bientot-utilisee_1407057.html) : voici la proposition des politiques. Bien entendu, toutes les « garanties » sont là pour préserver les libertés publiques, l’anonymat, etc… d’après eux. Mais NextInpact souligne un point incontournable, et central :

(…) Les auteurs de cette proposition de loi ne peuvent toutefois feindre que pour repérer un individu dans un océan de visages, les logiciels de reconnaissance faciale devront nécessairement scruter l’ensemble des personnes entrant dans le champ des caméras(…)

Les sondes IOL et les boîtes noires fonctionnent exactement comme la reconnaissance faciale : elles sont obligées de capturer toute l’information qui passe, pour en faire l’analyse. Et de la même manière que les caméras, ce n’est pas toute la population française qui est scannée, mais toute la population qui passe devant ces caméras. Ou toutes les métadonnées (ou via le DPI, certaines informations contenues dans les paquets IP ?) de la portion de population que les sondes des DSLAM — actives à un moment « T » —décident de capturer.

Gestionnaires politiques assistés par ordinateur

Les gouvernants ont l’intention de faire de la « transition numérique » une opportunité pour améliorer leur contrôle dans la gestion du pays, et des administrés qui le peuplent. La GPAO (gestion politique assistée par ordinateur) se met en place sans se nommer. Ce que de nombreux chercheurs appellent gouvernance algorithmique ou plus simplement : algopolitique. Sans paranoïa aucune, ou comparaison avec des œuvres de fiction dystopiques, il est nécessaire de permettre au plus grand nombre de bien comprendre ce qui est mis en œuvre par les différents gouvernements français, dans le cadre de l’utilisation des technologies issues des big data (ou mégadonnées en bon français) à des fins politiques. Que ces fins soient déclarées uniquement sous des prétextes sécuritaires, anti-terroristes, que les mesures soient « encadrées » ou « sous contrôle » ne change rien à un phénomène qui doit être débattu. Avec l’algopolitique, nous changeons de modèle de société, de mode de gouvernance, et de contrat social. Si aucun représentant du peuple ne vient rapidement soulever cette problématique, il y a fort à parier que ce que nous nommons encore « libertés individuelles » aujourd’hui, n’aura plus rien à voir demain.

[Le prochain article traitera spécifiquement de l’algopolitique et des  technologies, recherches, outil liés à ce « concept » à l’étranger comme en France]

 

Bug Bounty : le Pentagone enfume avec succès la presse

Sunday 26 June 2016 à 14:34

hack_the_pentagon_thumb1Remercions ici Emmanuel Paquette, journaliste à l’Express. Sans sa sagacité, nous aurions raté ce merveilleux article qu’il a retweeté : « Des hackers ont repéré 138 failles dans le système informatique du ministère de la Défense américain« . Cela nous donne l’occasion d’expliquer comment la presse peut se faire enfumer par une entreprise ou une organisation avec un titre vendeur. Quoi ? Le Pentagone, cette forteresse imprenable, ce temple de la sécurité informatique aurait des failles ? Mieux, ce sont des hackers qui les auraient découvertes ? Incroyable ! Ou pas…

Tous les historiens du Net le savent (mais visiblement pas tous les journalistes) le Pentagone, comme la NASA, sont des gruyères depuis… Toujours.

Le programme de bug bounty du Pentagone portait sur des sites Web publics. Un peu plus conscient des restrictions que cela implique que la presse, le ministère de la défense américain précise en fin de communiqué de presse qu’à l’avenir d’autres services seront soumis à la même procédure.

Cent trente-huit bugs, donc… C’est tout ?

Nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises, Reflets est assis sur une tonne (ou deux) de documents internes de l’armée américaine concernant ses réseaux informatiques, ses outils lui permettant de communiquer, de mener des guerres. Ce n’est pas juste pour les autres journaux qui travaillent sur ces sujets, mais cela nous donne une vision un peu plus large pour analyser les événements. A titre d’exemple, peu après les premières révélations PRISM, nous avions pris la peine d’alerter nos lecteurs que PRISM était sans doute un petit bout de quelques chose qui s’insérait dans quelque chose de beaucoup plus gros. Cet apparente perspicacité s’explique par notre étude de ces documents depuis des années.

De la même manière, nous pouvons annoncer que de très nombreux bugs seront trouvés lorsque le Pentagone élargira à d’autres services son opération de bug bounty.

Pas simplement parce qu’il serait passé à côté de failles difficilement identifiables.

Mais parce que le Pentagone, comme n’importe quelle organisation ou entreprise est amené à faire des compromis. Un projet, il faut que ça marche. Entre un besoin, un service rendu et la sécurité, il faut toujours faire des compromis :

Dans le cas du Pentagone, comme pour toute autre organisation, ces cas de figure se présentent régulièrement. Éclairons donc la presse sur ce que fait le ministère de la défense américain lorsqu’il demande une autorisation de mise en service d’un projet (oui, il y a quand même une supervision en termes de sécurité).

Le Pentagone passe en revue les problèmes de sécurité. Il les classe (grave, moyennement grave, pas très grave, limite inoffensif, etc.). Et il fait un choix. Tant pire… Let’s roll et on verra bien si le pire se produit ou pas.

Voici donc quelques copies d’écran qui permettront à tous de se faire une idée du volume de bugs que le Pentagone connaît, parfois des failles critiques, mais qu’il accepte pour pouvoir faire marcher ses outils nécessaire à ses guerres.

Commençons par les satellites.

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Des failles ?

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On fait quoi ?

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Passons à un système de dissémination d’information :

CS1

Des failles ?

CS2

C’est grave ?

CS3

CS4

On fait quoi ?

CS5

Enfin, le NIPRNet…

nirp1

Des bugs ?

nirp2

On fait quoi ?

nirp3

Et ça continue comme ça pour chaque outil…

Il y a du boulot pour les bug bounty hunters, mais il faut avouer que le Pentagone le leur facilite un peu… Quant à la presse qui s’émerveille des 108 bugs découverts sur des plateformes Web…

IOL : mais à quoi ça pourrait bien servir ?

Sunday 26 June 2016 à 11:55

92598bf66d5c4602900f944ac180a1e1_bc9fe3a176844ad7bd96ffaddef2e978_1_postLe système d’interception des communications Internet (IOL, Interceptions Obligations Légales), mis en place depuis 2009 par le gouvernement français — via, notamment, l’entreprise Qosmos — permet d’écouter les personnes connectées au réseau. Tout le réseau français.

La question de l’ampleur de l’utilisation de ce système est posée, renvoyant dos-à-dos (pour ceux qui daignent s’intéresser à cette révélation) les défenseurs d’une thèse d’une surveillance « systématique », « massive », ou « ciblée ». Comme si le système des sondes IOL n’était qu’une sorte de réseau de caméras de vidéo-surveillance des communications numériques. Pourtant, la loi renseignement, via la mise en place des « boîtes noires » chez les opérateurs Internet démontre que la surveillance pure n’est pas le principal objectif de ces systèmes. Ou plutôt : la détection des criminels par ce type de systèmes requiert la mise en œuvre d’une « politique algorithmique » très vaste, et utilisable pour de nombreuses autres choses.

Sans robots, la surveillance est aveugle

Envisager la surveillance numérique comme un outil intrusif, équivalent à ce que pourrait faire La Poste en ouvrant les courriers pour lire les correspondances des contribuables est un raccourci intellectuel décalé et sans intérêt. Le principe même de connaître le contenu des communications en tant que telles n’est pas pertinent pour un État et son administration. La quantité d’informations inutiles en termes de lutte contre la criminalité, le terrorisme ou tout élément mettant en danger la sécurité de l’État est d’une ampleur si immense, que le tri discriminant à la volée des contenus et menant à des alertes positives relève plus du fantasme que d’autre chose.

La seule manière de repérer, puis écouter ensuite des criminels à l’échelle d’un pays sur les réseaux de communication passe donc par le « profilage algorithmique ». Ce que le gouvernement a annoncé tardivement en 2015, lors du vote de la loi renseignement.

Les « algorismes© » secrets de Bernard Cazeneuve sont des systèmes logiciels de profilage prédictifs : ils sont les agents administratifs numériques d’une forme moderne des fiches de renseignements. Ces fiches n’ont pas besoin d’être individuelles — de par leur fonction de profilage — mais au contraire, elles travaillent par ensembles. Les sondes IOL sont des yeux, des oreilles, les robots que constituent les algorithmes de profilage, sont leur cerveau.

Gouverner, c’est prévoir

L’intérêt d’un système d’écoute des communications au niveau national — implémenté chez les fournisseurs d’accès Internet — se situe dans le cadre de la gouvernance algorithmique prédictive. Le principe de cette nouvelle forme de gouvernance est lié aux nouvelles pratiques du pouvoir, plus soucieux de contrôler l’opinion et sa propre communication… que du bien public. Pour autant, si de tels systèmes peuvent donner l’illusion de resserrer une nasse numérique autour de terroristes ou de criminels afin de connaître par avance leurs intentions, ils nécessitent par essence de connaître les habitudes et les comportements de ceux… qui n’en sont pas. La majorité.

Quelques explications nécessaires à la bonne compréhension du sujet : un système informatique de détection des terroristes sur Internet ne « sait » rien. Si des critères précis sont donnés par avance au système (le fameux algorisme©) ils ne peuvent être fiables — seuls — puisque fabriqués par avance, et ne correspondant pas à la réalité. Les algorithmes prédictifs travaillent par apprentissage, ils se nourrissent donc en permanence de données qu’ils comparent, trient, et au final « analysent » en fonction de plusieurs ensembles remis à jour en permanence. Les algorismes© ont donc besoin de savoir comment se comporte la masse d’Internautes inoffensifs : heures les plus fréquentes de connexion, types de sites visités, fréquence d’échange sur les réseaux sociaux, utilisation de la messagerie, des types de protocoles utilisés, etc., etc.

Un système prédictif de surveillance va donc se créer des échantillons de populations, des ensembles de profils, les « ranger » en fonction de certains critères établis par les comportements divers et variés des utilisateurs. Au fur et à mesure de la « quête » (sans fin) de ces agents statistiques, divers modèles comportementaux vont se générer, « discuter ensemble », se comparer. Ceux qui, en opérant sur Internet, sortent de ces modèles (avec plus ou moins de force) se retrouvent donc discriminés par les algorismes©, c’est-à-dire pointés du doigt par les agents digitaux (© @touitouit) repérés comme des personnes à comportement divergent. C’est là que la traque des méchants peut commencer, ce que l’ on appelle (dans notre jargon © @Rihan_Cypel) « la surveillance ciblée ».

Un pouvoir, ça peut énormément

Si le pouvoir politique français s’est doté — dans un premier temps —d’un système de sondes numériques à base de DPI via, notamment, l’entreprise Qosmos, bien connue pour son commerce d’armes numériques auprès de dictatures pays peu connus pour leur respect des droits de l’homme mais en liens commerciaux avec la France, puis d’une loi idoine pour généraliser la surveillance sans contrôle de l’autorité judiciaire, ce n’est pas pour rien.

Qu’une volonté de traquer le terroriste existe, c’est une évidence, et personne ne peut s’en plaindre, mais dans ce cas là pourquoi ne pas avoir soumis ce système à la sagacité parlementaire, à l’époque ? Parce que cela aurait été trop contesté ? Admettons. Pour autant, croire qu’un théâtre d’opération de surveillance numérique à l’échelle nationale ne puisse servir qu’à seulement traquer des méchants est un peu naïf. Surtout quand celui-ci est mis en œuvre dans le plus grand secret. Ce qui est certain est la chose suivante, dans tous les cas de figure : la surveillance prédictive des boîtes noires est basée sur des systèmes apprenants, sur une modélisation de groupes importants de populations et peut très facilement permettre de connaître autre chose  que les seuls déviants discriminés par les algorismes©. Elles peut en outre finir par créer une somme monumentale de faux-positifs avec les tragiques conséquences que l’on imagine aisément.

Le sociologue Fabien Jobard, qui travaille depuis longtemps sur la problématique des mouvements sociaux, et des politiques de répression policière fait un parallèle dans un article sur Mediapart avec la situation actuelle et les politiques de l’ex Allemagne de l’Est à ce sujet :

« Il y a quelques années, je m’étais intéressé au « maintien de l’ordre » dans les régimes autoritaires, en RDA plus précisément. Ce qui était fascinant dans ce pays, des années 1960 à la fin des années 1980, c’est que la « répression » s’exerçait essentiellement par la prévention ; la prévention des troubles, de la déstabilisation, des menées anti-socialistes ou ennemies. Le vocabulaire ne manquait jamais, mais le quotidien de la surveillance était toujours le même : l’écoute, le fichage, l’assignation à domicile, l’éloignement. Le but était que la voie publique ne laisse jamais paraître la moindre banderole, ne laisse jamais entendre la moindre parole contestataire. »

Le pouvoir socialiste français actuel, assigne à résidence des militants écologistes lors de la Cop21, interdit par avance des manifestants (et les interpelle avant même qu’il ne rentre dans la manifestation du 23 juin), organise à la place des syndicats des « manifestations cloisonnées » et menace en permanence de soumettre les contestataires de sa politique par la force. Ce même pouvoir fait voter la Loi renseignement, parle de « guerre », s’arroge des pouvoirs de surveillance digne des pires Etats policiers sous prétexte de lutter contre le terrorisme, et ne jouerait pas avec les possibilités qu’offre la gouvernance algorithmique prédictive ?

Ce serait vraiment… surprenant.

Pour tout dire, ce n’est pas le massif, le systématique ou la pêche au harpon qui se joue en ce moment. Non. C’est une nouvelle manière de gouverner, prévoir, observer et manipuler les populations. Les faire rentrer dans une nouvelle société. Celle de la peur, de l’omnipotence du pouvoir et de sa capacité à connaître ses opposants les plus vindicatifs. Mais aussi savoir ce que la masse peut accepter ou non, et comment la contraindre. Pas par la force, mais par la manipulation.

Cette question de IOL, des algorismes© prédictifs va donc bien au delà de la vie privée en tant que telle, du secret des correspondances, ou du droit ou non à être observé. Cette question touche à l’essence même de notre système politique et social. A la démocratie, en réalité. Ou ce qu’il en reste.