Presidentielle 2012 : Les différences premiers/derniers discours

Quelles sont les différences entre les premiers et les derniers discours des différents candidats à la présidentielle ? Glissement sémantiques, retour aux sources, phase spirituelle ou extrême prudence sont au programme.

Sarkozy, en bon sortant, ne se mouille pas

** Il aura tardé avant de se lancer**, l'ancien candidat de la "rupture" ! Sa côte de popularité peu encourageante l'avait d'abord décidé à pencher pour un "blitzkrieg", une guerre éclair d'un mois pour espérer rafler la mise en un temps record.

Mais la possibilité de ne pas pouvoir rattraper un trop grand retard et/ou son caractère impulsif l'ont finalement poussé à annoncer sa candidature le 15 février 2012 sur le plateau de TF1.

Que nous apprend le discours de Villepinte ?

 

 

  • Nicolas Sarkozy a inscrit le discours de Villepinte dans une vision internationale. Les mots "Europe" et "monde" apparaissent respectivement 44 et 29 fois. Le message en filigrane est "notre crise est avant tout due à des problèmes communautaires qu'à une politique nationale, donc ne me sanctionnez pas".
  • la négligence de la valeur "travail" pourtant si chère au candidat de 2007.
  • "je veux" répété 46 fois. Cette formule appuie la volonté de Sarkozy, tout en rappelant à l'auditoire que lui seul peut l'y aider.

Que nous apprend le discours de Besançon ?

D'abord, que le site lafranceforte.fr ne fournit pas tous les textes de tous les grands discours. Le dernier disponible au moment de la rédaction de cet article date du 30 mars 2012.
 

 

On y voit :

  • des références adressées directement à l'adversaire. C'est une stratégie potentiellement contre-productive. En citant trop souvent les autres et leurs propositions, un homme politique semble ne plus exister que grâce à eux.
  • des références à l'immigration. Après la tuerie de Toulouse, c'était inévitable, mais Sarkozy a eu la finesse de ne pas trop grossir le trait, contrairement à Marine le Pen.
  • pas tellement de "liberté", "travail", "mérite", bref de valeurs répétées en 2007...

Sarkozy essaie de fédérer sans s'éparpiller

Finies les promesses du type "travailler plus pour gagner plus". Sarkozy a compris que la crise et sa position de sortant l'affaiblissaient dans sa course à l'Elysée et a donc décidé de relativement calmer son caractère impétueux.

Son principal adversaire a quant à lui passé le cap spirituel.

Hollande se pose en chef de la gauche

François Hollande est un marathonien. Déjà rôdé par l'exercice de la primaire socialiste, il a préféré prendre un départ très tôt pour corriger au besoin le tir. Il l'avantage d'avoir un bilan à critiquer et pas à défendre.

Que nous apprend le discours du Bourget ?

  • que le candidat du PS ne s'interdit pas le "rêve". 21 mentions dans son discours pour contraster avec le climat d'austérité.
  • l'égalité, valeur chère à la gauche, a une place de choix.
  • comme pour Sarkozy, Hollande martèle le lexique présidentiel à coups de "France", "français", "république".
  • l'Europe est allègrement citée, mais comme une puissance libérale impuissante. Le message implicite est "si vous m'élisez, je ne laisserai pas tout faire".

Que nous apprend le discours de Rennes ?

Le discours du 4 avril 2012 est particulièrement intéressant. Hollande s'exprime à Rennes, un fief de la gauche, pour présenter ses premières mesures s'il venait à être élu. Qu'en est-il dans le discours ?

 

  • Hollande entre dans la phase "spirituelle". Ses références les plus marquées ne concernent pas des points précis de son programme mais des mentions au "chef", au "candidat", à la "gauche", au "changement", au "pays", bien que la "jeunesse" ait quand même sa place
  • son adversaire s'appelle "sortant". Hollande fait un point d'honneur à ne jamais nommer Nicolas Sarkozy, cela se vérifie aussi bien à la télévision que dans ses discours

Hollande veut tenir la route sans écarts

Plus question d'égréner des mesures "dynamite" comme la taxation à 75% des plus hauts revenus, plus trop de notions "utopiques" comme le rêve. Hollande veut rester sur une ligne sans grand danger pour ses meetings "généraux".

Le Pen échoue en virant à droite toute

La fille de l'extrême droite a une ligne politique étrange, entre "préférence nationale", flatteries vers le monde ouvrier et crainte pathologique pour les étrangers. Cela se ressent dans l'évolution de ses discours.

Que nous apprend le discours de Metz ?

  • que Marine le Pen sait faire des discours de gauche : le "peuple", les "jeunes", les "oubliés", la "réalité", tout ceci parle à son public, issu d'une région très ouvrière
  • qu'elle sait aussi taire sa droite : pas de références à "l'islam" ou aux "musulmans",  que trois mentions de "l'immigration"
  • bref, qu'elle suit la stratégie de "dédiabolisation" de son parti

Que nous apprend le discours de Nantes ?

Que le naturel revient toujours au galop, surtout chez les le Pen. Le drame de Toulouse a motivé la candidate du FN à tenter de ressortir les grosses ficelles. Et ça se ressent dans le discours !

 

  • la bonne vieille "peur" revient 37 fois en tout. Marine le Pen compte beaucoup sur ce sentiment pour gagner des voix
  • les "clandestins", les "banlieues", les "musulmans" prennent la place des "oubliés" et des "jeunes"
  • Sarkozy et Mélenchon reviennent souvent. Marine le Pen prend le risque de paraître incapable d'exister sans ses adversaires. Il n'empêche, sa fixation sur Mélenchon doivent faire plaisir à celui qu'elle traitait de "petit candidat" fin février !

Le Pen a misé sur la sécurité, un thème moins porteur qu'en 2007

Marine le Pen espérait sans doute avec le drame de Toulouse se refaire une santé dans les sondages en utilisant les bonnes grosses ficelles racistes et islamophobes de son parti.

Mauvais calcul : le salaire est la première préoccupation des Français. Et après ses derniéres interventions, la ligne sociale va être très difficile à récupérer.

Bayrou perd son Europe

Le candidat centriste, en perte de vitesse dans les sondages, risque d'avoir du mal à retrouver le prestige du troisième homme, mais n'est pas à négliger ! Ses électeurs peuvent plus facilement voter au second tour que ceux des partis extrêmes.

 

Que nous apprend le discours de Pau ?

  • que Bayrou aime toujours l'idée européenne
  • la "crise" la "dette" sont là comme marques de lucidité
  • le "pays", élément charnière de son slogan, est très présent

Que nous apprend le discours de Poitiers ?

 

  • que le candidat du MoDem semble avoir perdu son Europe. Seulement quatre références. Le signe que cette thématique, en temps de crise de la zone euro, n'est pas franchement porteuse ?
  • que Bayrou justifie son slogan ("Un pays uni, rien ne lui résiste"). Le fameux "pays" arrive en tête des mots prononcés avec 65 mentions !
  • l'apparition du concret avec les "je propose". Il n'est jamais trop tard, quoique...

Bayrou a inversé phase concrète et phase spirituelle

Ceux qui n'ont pas vu l'excellent documentaire "Le Président" ne comprendront pas cette référence. A un moment du film, le conseiller en communication de Georges Frêche lui explique que l'ordre entre phase concrète puis phase spirituelle a son importance dans une élection.

Sarkozy l'a respecté et a fini vainqueur, Royal l'a inversé et a fini perdante. Cela reste à confirmer dans le cas de Bayrou en 2012.

J'aurais bien aimé faire Mélenchon

L'excellent outil d'IBM ManyEyes n'interprète pas correctement le copié/collé des discours de Mélenchon, Je me retrouve avec une erreur incompréhensible du style "mot de plus de 20 signes présents dans le texte". Mais aucun mot n'est dans ce cas.

Si quelqu'un a une solution, je suis preneur.

Comments

Comment by Olivier on 2012-04-11 15:30:03 +0200

Tres bon article Raphi ! Et cet outils many eyes est rudement pratique pour ce genre d'analyse !
On voit comment certain(e)s surfent sur la vague Merah..