Moses Lwanga, un ultraviolent pacifiste

Oubliez les tranchées boueuses de Verdun : le Soldat Inconnu des éditions Urban Comics sévit sur les terres ougandaises. Ou comment un docteur pacifiste se transforme en Rambo défiguré pour rétablir la paix avec une violence rare.

Image : Alberto Ponticelli ©

Un conflit où il n'y aucun mauvais fixé

Quand Moses Lwanga revient en 2002 dans son pays natal pour une mission humanitaire, la guerre civile ougandaise fait plus que jamais rage. Il y a plus de 20 ans que lui et ses parents ont émigré aux Etats-Unis, juste à la fin du précédent conflit.

Lucide, il se revoit tenant une batte de baseball quand des enfants de son âge sont déjà armés de fusils. On le voit alors adulte en train de faire un discours devant un parterre d'officiels. Lwanga a fait ses preuves, il est médecin diplômé d'Harvard et plus que jamais déterminé à aider les réfugiés d'Ouganda.

Il croise rapidement une actrice "engagée", d'un genre plutôt naïf, mais quand même pleine de bonne volonté. Elle le félicite d'un article où Lwanga affirme que les problèmes africains ne sont pas forcément liés au colonialisme.

L'air de rien, cette référence pose une base pour la suite de l'intrigue. L'inclination pacifiste de Lwanga ne peut pas s'inscrire dans le contexte colonial où s'est remarquablement illustré Gandhi.

Le médecin idéaliste va se retrouver avec sa femme Sera au cœur d'un confit où il n'y a aucun mauvais fixé. Enfants soldats et autres tentations barbares sont l'apanage des troupes du président Museveni comme des rebelles de la Lord's Resistance Army (LRA).

Dès son arrivée en Ouganda, un journaliste interroge Lwanga et vérifie qu'il a bien sur lui la photographie du pacifiste somalien Abdulkadir Yahya Ali. Cette figure africaine se fera assassiner trois ans plus tard comme trop de partisans de la non violence.

Très vite, la face sombre de Lwanga émerge. Il fait des rêves extrêmement violents, où il se voit assassiner sa femme, des gens, des enfants. Mais une fois réveillé, le docteur se donne toutes les peines du monde pour contenir sa colère.

La folie meurtrière en dernier recours

Un jour qu'il soigne un enfant fraîchement mutilé au visage, Lwanga bascule dans la folie. Comme Mickael Douglas dans l'impeccable Chute libre, il vient de franchir le point de non retour.

Tenu en joue par un enfant soldat, Moses Lwanga écoute la voix du soldat inconnu qui lui commande de se saisir de son fusil. Abandonnant toute raison, il abat d'une rafale le jeune homme désarmé.

Réalisant l'horreur de son acte, le docteur assassin se mutile sévèrement le visage en espérant que le fauve en lui partira. Pendant ce temps, sa femme prie en espérant qu'il ne lui soit rien arrivé.

Laissé pour mort, Lwanga est finalement recueilli par une bonne sœur australienne. Il fera son possible pour la défendre elle et ses petites orphelines.

A partir là, le récit est un peu confus :

  • Lwanga l'athée se voit dialoguer avec le Christ. Aucun intérêt !
  • un mystérieux renégat de la CIA se met à sa recherche
  • les rebelles débarquent à l'orphelinat
  • Lwanga refuse d'écouter son double guerrier et se fait emprisonner
  • le soldat inconnu s'évade une première fois en massacrant tout ce qu'il peut
  • il revient une seconde fois pour sauver les orphelines restantes (et terminer le travail)
  • un bain de sang final se déroule dans le camp de réfugiés
  • Sera réalise impuissante la transformation de son mari.

Bon, je résume grosso mais tous ça fait un peu penser à un scénario de série B. En même temps, c'est le premier tome ! Il faut parfois imposer rapido les bases de la suite.

Ce qu'il faut retenir, c'est que ce déluge de violence ne présage rien de bon.

Une critique de la guerre, pas du pacifisme

Certains lecteurs, trop emballés par ces torrents de sang, pourraient mal interpréter. Mais les auteurs se sont bien gardés de présenter l'ultraviolence comme la quintessence de la raison.

Ce n'est pas parce que le pacifisme le déçoit que Lwanga se transforme en machine de guerre. C'est juste parce qu'il est fou. Et ni les études à Harvard, ni la sérénité de sa femme, ne peuvent calmer la bête en lui sur un champ de bataille.

Il faut également souligner le vaste travail documentaire du scénariste Josha Dysat. Dans les notes terminant le premier volet, il faut retenir cette phrase :

L'histoire que vous allez lire est l’œuvre d'un pacifiste à mi-temps, qui lui aussi cherchera des réponses à ses questions entre deux scènes d'explosions en quatre couleurs

Note

Cette analyse sera évidemment enrichie avec les trois prochains tomes. En attendant, n'hésitez pas à me faire part de vos impressions !

Comments

Comment by Nono on 2012-03-08 15:22:02 +0100

Première (et unique) impression : L'article n'est pas catégorisé ! 😀